• Comme une grande fleur trop lourde qui défaille,
    Parfois, toute en mes bras, tu renverses ta taille
    Et plonges dans mes yeux tes beaux yeux verts ardents,
    Avec un long sourire où miroitent tes dents...
    Je t'enlace ; j'ai comme un peu de l'âpre joie
    Du fauve frémissant et fier qui tient sa proie.
    Tu souris... je te tiens pâle et l'âme perdue
    De se sentir au bord du bonheur suspendue,
    Et toujours le désir pareil au coeur me mord
    De t'emporter ainsi, vivante, dans la mort.
    Incliné sur tes yeux où palpite une flamme
    Je descends, je descends, on dirait, dans ton âme...
    De ta robe entr'ouverte aux larges plis flottants,
    Où des éclairs de peau reluisent par instants,
    Un arôme charnel où le désir s'allume
    Monte à longs flots vers moi comme un parfum qui fume.
    Et, lentement, les yeux clos, pour mieux m'en griser,
    Je cueille sur tes dents la fleur de ton baiser !

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  • L'herbe est molle et profonde
    Sous les branches qui pendent,
    Lourdes de fruits et de fleurs blanches ;
    Lourde est la senteur enivrante,
    Et douce est l'ombre. On s'y étend ;
    Un sourd sommeil coule dans le sang.

    Et les branches s'abaissent et se penchent,
    Et vous caressent de longs frôlements,
    Vous caressent et vous soulèvent
    De la terre doucement ;
    Et l'arbre vous prend dans ses bras puissants,
    L'arbre joyeux et frémissant
    Qui resplendit dans la lumière.

    Il vous enlace et vous berce dans l'air,
    Et l'on est lui, l'on est sa sève,
    Sa force féconde, et l'on frémit
    En ses naissantes fleurs, et ses fruits,
    En ses milliers de feuilles légères ;
    On respire en son souffle, on embaume la terre.

    Et l'on s'éveille comme un fruit tombe,
    Un fruit lourd et vermeil,
    Dans l'herbe profonde,
    A travers le soleil.

    Recueil :La Chanson d'Eve

     


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