• Une seule phrase,tissée de musiques,fait elle un poème? Quel nombre est nécessaire pour qu'apparaisse en lui la part sauvée du naufrage ? Il accomplit le jour de la vie, fait la fête à peu de frais,lui fait fête , fait ce qu'il dit. Il met en oeuvre les secrets qui dormaient depuis toujours.Même s'il se répète , c'est le même .Le poème de la journée . Cela suffit .

    Jean Mambrino (N'ÊTRE POUR NAÎTRE)


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  • CHANT DE LA PLUS HAUTE FEUILLE

    Sur la plus haute branche
    Langue vibrante au vent
    La feuille la plus haute
    Chante l'arbre vivant.

    L'avide ver, la taupe
    Savent-ils mieux que moi
    S'enfoncer dans l'épaule
    Maternelle où je bois?

    O volupté de n'être
    Jamais séparé du
    Ventre qui me fit naître
    Tel un enfant perdu.


    Le martinet, la grive
    Mieux que moi goûtent-ils
    Cette ivresse de vivre
    Dans l'air, de l'air subtil?

    Par tant de bouches vertes
    J'absorbe jour et nuit.
    Feuilles! lèvres offertes
    Aux lèvres de la pluie

    Feuilles, mains palpitantes
    Vous palpez dans l'air pur
    Les brises fécondantes
    La place du fruit mûr...

    VICTOR HUGO



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  • COUCOU

    BELLE JOURNEE A TOUS

    BISES A TOUS ET TOUTES

    Le fond de page va revenir bientôt...

    .


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  • Le roi Renaud de guerre vint
    tenant ses tripes dans ses mains.
    Sa mère était sur le créneau
    qui vit venir son fils Renaud.

    - Renaud, Renaud, réjouis-toi!
    Ta femme est accouché d'un roi!
    - Ni de ma femme ni de mon fils
    je ne saurais me réjouir.

    Allez ma mère, partez devant,
    faites-moi faire un beau lit blanc.
    Guère de temps n'y resterai:
    à la minuit trépasserai.

    Mais faites-le moi faire ici-bas
    que l'accouchée n'lentende pas.
    Et quand ce vint sur la minuit,
    le roi Renaud rendit l'esprit..

    Il ne fut pas le matin jour
    que les valets pleuraient tous.
    Il ne fut temps de déjeuner
    que les servantes ont pleuré.

    - Mais dites-moi, mère, m'amie,
    que pleurent nos valets ici ?
    - Ma fille, en baignant nos chevaux
    ont laissé noyer le plus beau.

    - Mais pourquoi, mère m'amie,
    pour un cheval pleurer ainsi ?
    Quand Renaud reviendra,
    plus beau cheval ramènera.

    Et dites-moi, mère m'amie,
    que pleurent nos servantes ici ?
    - Ma fille , en lavant nos linceuls
    ont laissé aller le plus neuf.

    Mais pourquoi, mère m'amie,
    pour un linceul pleurer ainsi ?
    Quand Renaud reviendra,
    plus beau linceul on brodera.

    Mais, dites-moi, mère m'amie,
    que chantent les prêtres ici ?
    - Ma fille c'est la procession
    qui fait le tour de la maison.

    Or, quand ce fut pour relever,
    à la messe elle voulut aller,
    et quand arriva le midi,
    elle voulut mettre ses habits.

    - Mais dites-moi, mère m'amie,
    quel habit prendrai-je aujourd'hui ?
    - Prenez le vert, prenez le gris,
    prenez le noir pour mieux choisir.

    - Mais dites-moi, mère m'amie,
    qu'est-ce que ce noir-là signifie
    - Femme qui relève d'enfant,
    le noir lui est bien plus séant.

    Quand elle fut dans l'église entrée,
    un cierge on lui a présenté.
    Aperçut en s'agenouillant
    la terre fraîche sous son banc.

    - Mais dites-moi, mère m'amie,
    pourquoi la terre est rafraîchie?
    - Ma fille, ne puis plus vous le cacher,
    Renaud est mort et enterré.

    - Renaud, Renaud, mon réconfort,
    te voilà donc au rang des morts!
    Divin Renaud , mon réconfort,
    te voilà donc au rang des morts!

    Puisque le roi Renaud est mort,
    voici les clefs de mon trésor.
    Prenez mes bagues et mes joyaux,
    prenez bien soin du fils Renaud.

    Terre, ouvre-toi, terre fends-toi,
    que j'aille avec Renaud, mon roi!
    Terre s'ouvrit, terre fendit,
    et ci fut la belle englouti.


    { notes: Ceci n'est qu'une des très nombreuses versions (environ 60) de cette chanson.
    Son origine est assez complexe. Elle est issue de la greffe d'une
    chanson du XIII ème siècle qui raconte le retour du comte Renaud sur une
    chanson du XVIème (le comte Redor) issue d'une légende scandinave qui a
    fait fureur en Europe et engendré de nombreux textes dans divers pays.
    L'un de ces textes est "le Comte Redor" en Bretagne qui est sans
    doute à l'origine de la fusion (car il y a peut être des versions dérivées).}


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  • Le paradis des bêtes

    par

    Francis JAMMES

    Un pauvre cheval vieux, attelé à un coupé, sommeillait, par un minuit pluvieux, devant la porte d’un restaurant borgne où riaient des femmes et des jeunes gens.

    Et la pauvre rosse plate, la tête tombante, les jambes faibles, triste à faire mourir, attendait là que le bon plaisir des débauchés lui permit de regagner enfin sa misérable écurie puante.

    Dans son demi-sommeil, le cheval entendait les grossièretés de ces hommes et de ces femmes. Il s’y était péniblement habitué, dès longtemps. Il comprenait, avec sa pauvre cervelle, qu’il n’y a pas de différence entre le cri toujours le même de la roue qui tourne et le cri de la prostituée.

    Et ce soir-là, vaguement, il rêvait à un petit poulain qu’il avait été, à une pelouse où il gambadait, tout rose, dans l’herbe verte, avec sa mère qui l’embuait.

    Tout à coup, il tomba roide-mort sur le pavé gluant.

    Il arrive à la porte du ciel. Un grand savant, qui attendait que saint Pierre vînt lui ouvrir, dit au cheval :

    – Que viens-tu faire ici ? Tu n’as pas le droit d’entrer au ciel. Moi, j’en ai le droit, parce que je suis né d’une femme.

    Et la pauvre rosse lui répondit :

    – Ma mère était une douce jument. Elle est morte, vieille et sucée par des sangsues. Je viens demander au Bon Dieu si elle est ici.

    Alors la porte du Ciel s’ouvrit à deux battants et le Paradis des animaux apparut.

    Et le vieux cheval reconnut sa mère qui le reconnut.

    Elle lui fit honneur en hennissant. Et, quand ils furent tous deux en la grande prairie divine, le cheval eut une grande joie en reconnaissant ses anciens compagnons de misère et les voyant à jamais heureux.

    Il y avait ceux qui traînèrent des pierres en glissant sur les pavés des villes, qui furent roués de coups et s’affaissèrent avec le poids des chariots sur eux; il y avait ceux qui, les yeux bandés, tournèrent, dix heures par jour, le manège des chevaux de bois; les juments qui, dans les courses de taureaux, passèrent devant les jeunes filles qui regardaient, roses de joie, les intestins de ces bêtes douloureuses balayer le sable chaud de l’arène. Il y en avait d’autres et d’autres.

    Et tous passaient éternellement dans la grande plaine de la divinité tranquille.

    D’ailleurs les autres animaux étaient heureux aussi.

    Les chats, mystérieux et délicats, n’obéissant plus au Bon Dieu, qui en souriait, s’amusaient d’un bout de ficelle, qu’ils remuaient, d’une patte légère, avec le sentiment d’une importance qu’ils ne veulent pas expliquer.

    Les chiennes, ces si bonnes mères, passaient leur temps à allaiter leurs mignons petits. Les poissons nageaient sans craindre le pêcheur; l’oiseau volait sans redouter le chasseur. Et tout était ainsi.

    Il n’y avait pas d’homme dans le Paradis.

    Francis JAMMES, Le roman du lièvre, 1946.


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